Je suis atteinte de déménagite chronique aigüe 😂, une affection bénigne génétiquement transmissible. Cette pathologie que la médecine a oublié d’étudier, mes parents en sont atteints également.
J’ai beau tenter de me me libérer du gène pathogène, il n’y a rien à faire, l’affliction du nomade me reprend tous les 3 ans environ. Parfois j’en suis à l’origine, mais pas cette fois. Pas sûre que ça se soigne.
Alors je replonge dans les cartons, le papier bulle, le nez dans le guidon, à trier, ranger, débarrasser. Notre lien aux objets est étrange quand même. J’observe qu’en ce qui me concerne, plus ça va, plus je me détache de l’accumulation matérielle. En revanche ma mère s’y accroche de plus en plus. “Oh ! Fichez-moi la paix, laissez-moi tranquille avec mes meubles et mes objets !” nous répond-elle fâchée quand avec mes soeurs nous lui soumettons timidement l’idée de faire un peu de tri, de libérer un peu d’espace. Un jour nous avons essayé de compter, combien de déménagements elle avait essuyé en 50 ans de mariage. Nous sommes arrivées au nombre irréel de 52. 52 déménagements en 50 ans de mariage… mais comment est-ce possible ? En comptant les maisons secondaires, les locations, les arrivées et les départs, on y arrive.
52 déménagements de plus en plus volumineux à chaque fois, aujourd’hui mes parents flirtent avec les 300 M3 de chargement, et ils sont encore en train de chercher une autre maison à 80 ans passés.
Ma mère… experte en sites immobiliers, notaires, déménageurs et transporteurs en tout genre. Danaïde, faiseuse et défaiseuse de cartons, elle remplit inlassablement les armoires et les tiroirs des maisons, mais rien n’y fait. Son Tonneau intérieur a dû être percé par les dieux, le sentiment de vide est toujours là. Mon père… addict à la dopamine et à la nouveauté, fuyant son âme et ses démons, toujours prêt à changer compulsivement d’horizons, et cela n’arrange pas la situation.
Peur de manquer ? Insatiable curiosité ? Ennui ? Bougeotte ? Mémoires transgénérationnelles ? Karma ? J’ai arrêté de chercher la racine de ce mal étrange. L’accepter je dois, le transmuter, j’y travaille.
Enfant, mon quotidien était parsemé de cartons, de travaux, de projets. On se posait là pour de bon cette fois et puis deux ans plus tard il fallait encore tout quitter, les amis, l’école, le connu depuis peu. Les thérapeutes m’ont parlé de sables mouvants, d’insécurité, de manque de repères. J’appris que déménager était une expérience traumatique majeure chez l’enfant. Pourtant j’étais aimée. L’amour ça doit suffire, non ? Alors j’ai fini par trouver une formule qui m’arrange bien : je raconte que j’ai été élevée par des enfants. Aimants et instables.
La force de cette expérience de vie se trouve dans la faiblesse : j’ai développé une très grande capacité à m’adapter à l’autre, aux conditions extérieures. Je ne m’adapte pas, je me suradapte et c’est là mon super pouvoir. Je n’ai pas d’empathie pour les personnes qui viennent me consulter, je me fonds en elles. Si elles sont stressées, je suis stressée. Si elles manquent de confiance, je manque de confiance. Si elles sont en colère, je suis en colère. Aux débuts de ma pratique, j’ai cru qu’il me fallait travailler le discernement afin de faire le tri entre ce qui m’appartient et ce qui appartient à l’autre. Au final je crois que tout ce qui vient percuter ma conscience m’appartient en quelque sorte. C’est pour ça que j’aime tant le Ho’oponopono qui prône le principe de responsabilité.
Bref, je déménage dans 3 jours. Je quitte la Touraine tant aimée depuis 3 ans. Les amis, je les garderai. L’expérience gravée dans les sillons de mon âme aussi. Ce déménagement m’oblige à revoir mon activité. Au chômage technique je suis ! Dans un premier temps je vais déposer toutes mes affaires à la campagne, dans le Perche. Je n’ai pas encore d’espace de travail là-bas. Peut-être trouverai-je une solution pour exercer en présentiel à Paris en septembre ? Pour le moment, je ne sais pas. Revenir à Tours quelques jours par mois ? Pas sûre d’en avoir l’énergie. Réinventer ma pratique avec plus de séances en visio, plus de formations et d’ateliers en ligne ? Ça oui ! D’ailleurs les séances à distance reprennent le 18 août et le lien pour prendre rendez-vous est ici.
Ce qui est sûr c’est le désir d’écrire, de plus en plus fort. L’envie de témoigner du chemin qui m’a conduit jusqu’à cette Présence qui nous aime toujours, nous connaît mieux que nous-mêmes et nous attend patiemment. Présence que j’ai longtemps cherchée au-dehors, nichée juste là, au fond du corps, au coeur de chaque cellule. Envie de partager le chemin vers la joie vraie, celle qui ne dépend ni des autres ni des conditions extérieures (même si c’est toujours mieux en bonne compagnie et dans un joli lieu).
“La vie est un conte” dit Jodorowsky alors permettez-moi de vous raconter la mienne. Comme dans un conte initiatique, dans mon histoire vous retrouverez peut-être un morceau de la vôtre, une pépite, un souvenir qui fera vibrer votre âme et vous rappellera qui vous êtes vraiment. J’en fais mon voeu, ma prière.
Pour finir je vous partage une citation de la philosophe Simone Weil lue ce matin dans la lettre hebdomadaire de Fabrice Midal,
« L’homme est un animal social et le social est le mal.
Nous ne pouvons rien à cela, et il nous est interdit d’accepter cela, sous peine de perdre notre âme. Dès lors la vie ne peut être que déchirement.
Ce monde est inhabitable.
C’est pourquoi il faut fuir dans l’autre. Mais la porte est fermée. Combien il faut frapper avant qu’elle s’ouvre. Pour entrer vraiment, pour ne pas rester sur le seuil, il faut cesser d’être un être social. » (Œuvres Complètes VI, vol. 3, p. 164)
Cette citation incarne à la perfection le paradoxe de notre humanité. C’est dans la tension des contraires, de l’impossible réunion du Bien et du Mal que la grâce peut se manifester. Alors relâchons-nous, fichons-nous la paix et accueillons avec Foi nos paradoxes et nos contradictions.
Nous ne sommes pas à l’abri d’un miracle 🌟
De toute mon âme,
Elisa
Bon courage <3